Et si le savoir lié à la pharmacopée traditionnelle était valorisé ? De nombreux pharmaciens de la sous-région en ont clairement exprimé le souhait par des communications libres lors du congrès scientifique organisé par l’Institut de Recherche et de Développement des Plantes Médicinales et Alimentaires de Guinée (IRDPMAG), placée sous le thème : ‘’Pharmacopée et Médecine Traditionnelle Ouest Africaine : acquis et perspectives’’. Congrès tenu dans la sous-préfecture de Dubréka, ce mardi 13 décembre 2022.
Sans doute, la médecine moderne tire sa source de la pharmacopée ancestrale. De nos jours, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, plus de 80% de la population africaine, a recours aux méthodes traditionnelles de soin, alors il est autant nécessaire de trouver des solutions d’intégration de produits à base de plantes pour les sécuriser et en faire des médicaments à part entière.
Le matériau ne manque pas
En tout cas, des spécialistes de la pharmacognosie de l’Afrique de l’ouest sont prêts, d’autant que le matériau ne manque pas. Il suffit juste un meilleur encadrement de la médecine traditionnelle afin d’homologuer les tests sur les plantes médicinales, la production de médicaments à base de plantes et de protéger les consommateurs. « L’utilisation des plantes n’est plus une alternative, mais une nécessité vitale pour nos pays et pour la science. Pour les pays africains notamment ceux de l’Afrique de l’Ouest, l’utilisation des plantes locales de la pharmacopée traditionnelle, bien que devant s’inspirer de la tradition, devrait respecter des normes scientifiques, cela pour la sécurité des patients. Il est donc nécessaire de s’accorder sur les contenus des dossiers d’autorisation de mise sur le marché et les dispositions règlementaires qui le sous-tendent », a expliqué Yvette Fofe N’Guessan Bra, Maître de conférences agrégée de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan.
Le pharmacien et Directeur Général de l’Institut de Recherche et de Développement des plantes médicinales et Alimentaires de Guinée (IRDPMAG) reconnaît le recours à la phytothérapie qui est populaire au sein de la population diabétique africaine. « Sur la période 1977-2014, cinquante-trois (53) composés isolés de plantes médicinales africaines présentaient des niveaux variables d’activité antidiabétique. De 2015 à 2020, en recherchant dans les principales bases de données scientifiques électroniques, y compris Pub Med, Science Direct, Web of Science, et Google Scholar, en utilisant des combinaisons de mots clés appropriés, quatre-vingt-quatre (84) composés, isolés de différentes parties de vingt-quatre (24) plantes médicinales africaines, ont été étudiés comme agents antidiabétiques possibles », a affirmé le Pr Elhadj Saidou Baldé.
Quant au professeur Mahamane Haidara, de la Faculté de Pharmacie, Université des Sciences des Techniques et des Technologies de Bamako, il a vanté ainsi les vertus du Fagara qui est une plante utilisée dans la prise en charge de la drépanocytose au Mali : « une enquête menée chez les patients drépanocytaires (formes SS, SC, et SB) a permis de retenir le Fagara (Zanthoxylum zanthoxyloides) en partie justifier l’utilisation de cette plante dans la prise en charge traditionnelle de la drépanocytose » explique le Pr Haidara
Cette étude a été réalisée pour déterminer les caractéristiques botaniques et les constantes physicochimiques de la poudre des racines du Fagara et de caractériser les constituants chimiques et antiradicalaires de ces extraits. Les caractéristiques botaniques et les constantes physicochimiques ont été déterminées selon les méthodes standards décrites dans la Pharmacopée Africaine. « Les constituants chimiques et antiradicalaires ont été caractérisés par les réactions en tube et par la chromatographie sur couche mince en utilisant la méthode de réduction du radical 1,1-diphényl-2-picrylhydrazyl (DPPH). La poudre des racines du Fagara était de couleur jaune avec une saveur piquante » c’est une étude très concluante ajoute Pr Mohamane Haidara, de la Faculté de Pharmacie, Université des Sciences des Techniques et des Technologies de Bamako.
L’OMS a encore du boulot à faire dans ce sens
Il aura fallu attendre 2006 pour que l’organisation mondiale de la santé (OMS) adopte l’intégration de la médecine traditionnelle dans les systèmes de santé nationaux, en favorisant leur promotion dans les pays du Sud et en admettant enfin à l’accusation systématique de charlatanisme. « Lorsqu’ils veulent se soigner, ils sont très nombreux en Afrique qui font recours en premier lieu à la médecine traditionnelle avant d’aller vers la médecine conventionnelle moderne. Donc il était important pour l’OMS de pouvoir accompagner cette médecine traditionnelle pour légiférer, règlementer, pour aider davantage les plantes médicinales à se développer. Parce que tout ce qui est fait à base de médicaments est fait le plus souvent à partir des plantes naturelles. La récente assemblée mondiale de la santé qui a eu lieu en mai 2022 a fait en sorte qu’on puisse améliore la recherche sur les plantes médicinales. Et l’OMS se dit qu’on ne peut atteindre la couverture sanitaire universelle pour toutes les populations, qu’en prenant en compte la médecine traditionnelle », a souligné le Dr Jean Konan, représentant intérimaire de l’OMS en Guinée.
Nécessité de mettre en valeur les plantes médicinales
Mais pourquoi, malgré ces résultats et ces volontés, malgré aussi les reconnaissances internationales, les Etats africains s’intéressent-ils si peu aux médicaments à base de plantes médicinales ? Une question difficile à répondre mais un jour le paradigme peut être inversé espère les chercheurs.
Il s’agit de se hisser au stade de la conception de nouvelles molécules et de pouvoir déposer de brevets. Le développement ne sera alors plus simplement d’emprunt. Un partenariat pharmaciens-industriels pourrait permettre d’en sécuriser la fabrication et d’en faire des médicaments à part entière.
Cellule de Communication IRDPMAG